L’idée de ce modeste écrit m’était venue en ces années-là, en pleine tourmente sociale et personnelle, donc plus de trente ans de cela. Je réfléchissais à tous ces maux et ce risque de disparition qui menacent le grand et mythique peuple berbère dans le moule, pas du tout reluisant, de son bourreau l’arabo-islamique, la pire des fins, surtout que les sciences, notamment l’archéologie, la philologie et l’Histoire ne cessent de mettre très à mal l’authenticité et les fondations des trois religions monothéistes, notamment l’islam.

Très naïf ou culotté, c’est selon, je me disais que si je réussissais à éclairer, serait-ce par une lueur de bougie, ce néant qui enveloppait de son ténébreux voile ce lointain et glorieux passé des Berbères, peut-être cela nous aiderait sinon à être moins agressifs dans nos querelles intestines et absurdes, du moins à nous réunir pour retrouver cette unité lointaine qui caractérisait nos lointains ancêtres qui utilisaient une seule langue sur tout un tiers d’un continent, sans écriture, sans imposition, contraire de tous les systèmes éducatifs en cours, exclusifs et phagocytaires des langues autochtones. Sans doute, beaucoup de causes viennent du passé récent. Aussi, pour être franc, les lâchetés d’hier et d’aujourd’hui sont plus virulentes que toutes ces vieilles lâchetés. Il incombe donc aux Berbères dignes de se racheter.

L’Histoire des Berbères était rédigée par leurs envahisseurs, en l’occurrence leurs ennemis, leurs bourreaux, les Romains en premier puis les Arabes, les pires d’entre eux, et enfin les Turcs qui ne laissent filtrer aucun texte, ce qui est bizarre, à moins qu’ils n’aient pas transcrit grand-chose, comme tous les pays dits musulmans. Les Romains et les Arabes furent plus barbares en ceci qu’ils prenaient des esclaves humains ; les premiers, des hommes ; les seconds des femmes. Pis, le butin des Romains était de loin insignifiant par apport à celui des Arabes. On peut ajouter les Français et tous les autres envahisseurs, je le signe, mais eux n’ont jamais pris un seul esclave.

Pour rappel, les Arabes écrivirent sur les Berbères quelque trois siècles après leur invasion, avec tout ce que ce retard peut entraîner en perte de mémoire sans compter la manie du vainqueur à manipuler et l’incompétence de ces auteurs (arabes) qui étaient plus des affabulateurs que des historiens. Pour démêler la vérité ‒ encore faudrait-il trouver les ouvrages ciblés‒, le chantier s’annonçait titanesque.

Pendant ma quête, j’ai réalisé que tous les anciens peuples, sauf exception, avaient disparu, les uns sans laisser de trace, certains gisants dans les musées, pour ne citer que les anciens Égyptiens et les Sumériens qui survécurent à travers l’égyptologie pour les premiers et les centaines de milliers de tablettes en argile pour les seconds. Des peuples adoptèrent l’identité de leur bourreau, une aliénation pire qu’une apostasie, une fin que même Dieu, le Créateur pas celui des textes sacrés, Doive blâmer et Châtier… Et beaucoup parmi eux étaient des conquérants à un moment ou un autre de leur Histoire. Là aussi, pour isoler les causes, le chantier est autant titanesque.

Je me suis dit que, peut-être, cherchais-je dans la mauvaise direction, qu’il fallait me poser la question autrement. Plutôt que de chercher les causes derrière le chaos du grand et mythique peuple berbère, pourquoi ne pas chercher les anciens peuples qui ont survécu puis identifier les causes de leur survie et comparer avec les Berbères ? Je n’ai pas tardé à trouver deux cas. Les Hébreux (juifs ou Israéliens si vous voulez) et les Grecs anciens (peut-être les Romains aussi). Les Hébreux avaient choisi la religion monothéiste pour survivre, que les Arabes leur copièrent point par point ; les Grecs anciens, l’esprit rationnel à travers les sciences et la philosophie (les Romains excellaient dans l’organisation). C’étaient le monothéisme et le rationnel qui les différenciaient des peuples disparus, deux paramètres qui occupent encore une place de choix dans le monde chez ces deux peuples. Dans les deux cas, on leur note un passé nourri sans cesse. Ces qualités, excepté l’Égypte berbère, manquent affreusement aux Berbères ; plutôt, le peuple berbère jouissait d’un des plus glorieux passés, pour ne pas dire le plus glorieux puisqu’il était à l’origine de l’Humanité et de la Civilisation, jusqu’à preuve du contraire. Faute de le connaître, on s’abreuve de vices et d’inepties mythologiques qui causeraient leur perte tôt ou tard. Ce modeste écrit tentera de sortir des cendres ce passé glorieux et lointain.

Si la religion est aujourd’hui un signe de crédulité et qu’un peuple de croyants, plutôt qu’un peuple de citoyens, court à sa perte en ceci qu’il enfante toujours des monstres qui l’exécuteront dès qu’il se proclamera de la modernité. Hélas aussi, dans la terre de mes ancêtres, en dehors des livres sur la religion et les recettes de cuisine, on ne vend pas grand-chose. Du moins, je n’ai pas trouvé sur les étals des informations ou des sources archéologiques et historiques fiables pour sortir des cendres cette lointaine origine ou civilisation, quand un seul ouvrage ne coûtait pas les yeux de la tête. Assoiffé, j’avais acheté des œuvres qui ne valaient rien, me fiant au titre et au quatrième de couverture bien ficelés dans un but commercial[1]. Je comptais me faire parvenir de l’étranger les ouvrages de référence, mais un seul coûtait trois fois mon salaire… Je parle des auteurs indépendants ou alternatifs.

Quant aux historiens et archéologues qui mangent de la main du régime, qui ne traitent pas du berbère et en de termes positifs, non seulement je ne les ai jamais lus ni ne les lirai, mais aussi je ne rangerai pas leurs œuvres dans ma bibliothèque même si l’on me payait en échange. Je ne lis pas que les auteurs berbérophiles. Je ne comprends pas qu’un auteur qui traite de l’Histoire d’un quelconque pays de l’Afrique du Nord ignore les Berbères ou parle d’une autre identité comme les égyptologues.

La majeure partie des auteurs et artistes berbères choisissent, les uns le camp des « troglodytes » de l’Orient arabique ; les autres, celui des « corrompus » d’Occident, pour glaner un pécule ou plaire, au point que certains jouent à la putain sans le réaliser, entraînant une grande partie du peuple avec eux. Je nomme les nombreux arabisants et quelques francisants. Celui qui aime l’Arabe et le Français de cette façon est aussi exécrable et malade que celui qui les déteste de la même manière, et la religion ainsi que la langue ne peuvent pas constituer un prétexte.

J’ai dû abandonner et m’atteler au reste de mon projet d’écriture, un chantier qui m’attendait, et n’ai repris l’idée que récemment, en France. Là aussi, les ouvrages de référence coûtent cher pour ma poche. Encore, je n’ai pas le temps de lire des centaines de pages et payer une fortune, parlant d’un seul ouvrage alors qu’il me faudra plusieurs, pour glaner des informations pour cette œuvre entre vos mains, ensuite la vendre pour un euro de bénéfice. Fort bien Internet est là. J’ai réussi tout avec une simple connexion qui m’est revenue gratuitement.

Cette œuvre entre vos mains répond à cette question exaltante et délicate, lancinante pour les lâches, sur la noble origine et le passé très lointain des Berbères, un passé qui était à l’origine de l’Humanité  et serait derrière la civilisation actuelle ; sinon, il offre des pistes de recherche, du moins des pistes de réflexion, peut-être aussi et enfin le courage de dire haut et fort ce dont le peuple rêve en cachette.

[1] L’identité amazighe : l’Algérie aux sources de l’humanité : 30 siècles d’histoire, de Lahcène Seriak, Algérie, autoédition, 2002